1ère partie : Bête comme un … homme
de Charles Briand
C’était pourtant un soir comme un autre.
Je rentrais (tard) d’une tournée harassante comme en font souvent les conseillers agricoles, et voilà que je me trouve au milieu d’une bagarre. Disons plutôt d’une guerre, puisque le fusil était de sortie. Et ça gesticulait. Et ça criait…
Après avoir réussi à calmer le jeu… j’ai essayé de connaître l’enjeu.
1 – Un agriculteur avait désherbé une parcelle de maïs toute proche du village dans la matinée du samedi, pour profiter de l’absence totale de vent.
2 – Le dimanche, le voisin avait rouspété en prétendant que les embruns et les vapeurs (?) étaient venus jusque chez lui gâcher le barbecue partagé avec des amis.
3 – Le mardi après-midi les filles du voisin rentrant de l’école avaient remarqué que leur pouliche avec sa mère ne venait pas les saluer comme d’habitude.
4 – Plus tard, le père rentrant du travail (peintre en bâtiment) partit au fond du pré chercher la pouliche qu’il trouva morte derrière un buisson.
D’où l’accentuation à l’encontre du voisin «empoisonneur».
D’où l’engueulade et la sortie du fusil…
Le hasard a voulu que je passe là au bon (?) moment… Que je connaisse et sois connu des deux parties… Que je réussisse à calmer les esprits. Et à faire rentrer le fusil. Ouf !
Je pouvais certifier que l’atrazine, le produit utilisé pour désherber le maïs, est à peu près aussi toxique que … le sel de cuisine. S’il y avait empoisonnement de la pouliche, ce qui restait à prouver, il fallait chercher une autre source que ce produit.
Chacun est rentré chez soi. Les uns révoltés d’avoir à pleurer leur pouliche à cause d’un geste odieux. Et on pouvait les comprendre. L’autre révulsé de s’être retrouvé avec un canon de fusil (de chasse, mais fusil quand même) sur le ventre sans avoir quoi que ce soit à se reprocher. Et… on peut le comprendre.
Et chacun promettant à l’autre que : «on ferait venir les gendarmes, on ferait un procès, on remuerait ciel et terre pour démontrer qu’on avait raison, etc, etc.».
Toutes affaires cessantes, le mercredi matin j’étais sur place pour faire le tour du pré, vérifier les clôtures, inspecter les haies environnantes… sous la surveillance des deux filles dont les yeux rougis démontraient qu’elles avaient dû passer leur nuit à pleurer leur pouliche.
C’est alors qu’on s’est fait interpeller par les ouvriers maçons qui travaillaient à l’édification d’une maison sur un terrain voisin. Ils s’étonnaient de ne pas voir la jument…
Et la si mignonne pouliche qui venait tendre son nez quand l’apprenti lui passait des poignées de verdure à travers le grillage.
– Quand ça ?
– Ben… hier. Elle était tellement marrante quand elle mangeait ça.
– Tu pourrais me montrer ce que tu lui donnais à manger ?
– Bien sûr.
Trente secondes plus tard j’avais en main l’explication de notre triste aventure. La verdure que le jeune garçon donnait à la pouliche provenait d’un arbuste d’une haie voisine, un if, (en latin taxus baccata) dont les petits fruits (quand il y en a) sont très toxiques mais dont les minuscules feuilles contiennent aussi un alcaloïde proche de l’acide prussique, que le tube digestif de l’animal diffuse dans le sang sous forme d’acide cyanidrique. Il est à remarquer que la jument au goût formé avait refusé «la verdure» tandis que la pouliche encore allaitée, y avait goûté sans méfiance. A partir de là elle était condamnée. En perturbant le fonctionnement nerveux, donc les battements du cœur et en bloquant le transport de l’oxygène par le sang (cyanose) le toxique avait dû la tuer en quelques minutes.
Comprenant qu’il avait lui-même tué la pouliche le malheureux garçon était catastrophé, prêt à faire des bêtises. Tant et si bien que c’est l’une des gamines… pourtant en larmes elle aussi, qui dut s’employer à le consoler.
Me restait à les aider dans leurs démarches pour faire une déclaration de sinistre aux assurances. Et de longs instants de conciliabules pour amener l’une des compagnies (celle du père du garçon s’y refusa et celle du maçon responsable (civilement) de fait des actes du garçon au cours de son emploi se faisait tirer l’oreille) à dédommager ceux qui avaient perdu leur pouliche. Encore fallait-il leur faire admettre que taxus baccata était bien le responsable. Une attestation du directeur des servies vétérinaires départementaux confirmant mon diagnostic annihila les dernières réticences. Il avait fallu… une année entière.
La dernière démarche consista à… participer à un barbecue réunissant les parties concernées. Un jeune garçon (pardonné) semblant remplacer sans difficulté l’affection (?) de la pouliche disparue. A ceci près que l’agriculteur s’était abstenu refusant d’oublier qu’il avait eu le canon d’un fusil sur le ventre. Et on peut le comprendre. Il resta malgré tout adhérent de notre groupement de développement agricole, reconnaissant que je lui avais sauvé la mise.
Moralité :
Il est idiot de croire que la nature est toujours bonne. En l’occurrence une plante tout ce qu’il y a de plus naturelle avait bel et bien tué un animal innocent.
Comme je l’avais vu des années auparavant pour des poules qui avaient ramassé les feuilles tombées de la taille d’une haie, là aussi de taxus baccata. J’en avais sauvé la moitié (encore animées) en leur faisant ingurgiter… du café (la caféine est un excitant du cœur).
Comme je l’avais vu pour une dizaine de vaches (de cinq troupeaux différents) qui s’étaient empiffré de petits trèfles, qu’en d’autres temps elles ne touchaient guère mais qu’un jour de vent d’autan (dans le sud-ouest), parquées dans les prés sans ombre et sans point d’eau, elles avaient trouvé pour se désaltérer… et météoriser à qui mieux mieux. J’avais pourtant eu du mal à convaincre… le vétérinaire confronté à un problème (des météorisations à la même heure dans cinq troupeaux différents) qui le dépassait complètement.
Comme je l’avais vu pour des moutons qui avaient mangé des marrons (tombés après la tempête mais non ramassés…). Cru, le marron contient lui aussi de l’acide prussique.
Tout comme le sorgho fourrager tant qu’il n’a pas atteint le stade cinq six feuilles et qui m’avait flingue tout un troupeau d’oies destinées au gavage…
Et si on parlait de deux vaches victimes de… colchiques dans le pré…
Et si on parlait des lapins foudroyés par un brin de mercuriale oublié dans la verdure… par inadvertance ou par ignorance. Etc, etc…
Ce qui tendrait à prouver que pour bien aimer la nature il faut aussi la bien connaître. Et s’en méfier.
En conclusion, je peux dire que c’est à chacun de prendre ses responsabilités. Et de ne jamais oublier que l’âne est l’un des plus curieux de nos animaux. Toujours prêt à chercher les sels minéraux et sel tout court (chlorure de sodium) qu’on oublie trop souvent de lui donner. Alors qu’il est si facile de lui mettre une pierre à lécher à disposition.
Souhaitant que notre réflexion et notre sollicitude à notre ou nos compagnons ne nous oblige jamais à admettre qu’on peut certaines fois être bête comme un… homme.
Charles BRIAND
2ème partie : Attention à l’alimentation de vos ânes
Soyez prudent, vos ânes développent des maladies par empoisonnement!
Le grain que l’on donne a été traité aux insecticides et fongicides, les prairies en bordure de cultures reçoivent des traitements agricoles, la paille est traitée comme le grain et en plus les raccourçis-seurs de paille sont très mauvais pour les équidés qui mangent la paille des litières. Résultat, vos ânes toussent et sont allergiques à la poussière du foin ???
Le son est encore plus mauvais car c’est un concentré de pesticide comme les pelures de pommes (qui sont traitées entre 20 et 30 fois en saison).
Je ne parle pas des mélanomes et tumeurs de la peau que je vois de plus en plus souvent sur les chevaux et les ânes.
La cryptorchidie humaine se constate en priorité chez les enfants d’agriculteurs viticulteurs et maraîchers (Institut de veille sanitaire).
L’eau polluée à l’atrazine perturbe la sécrétion d’oestrogène et sera interdit en France en septembre 2003 (source sciences et vie juin 2003).
Les propriétaires d’âne sont sensibles au respect de la nature : Soyez vigilants envers les agressions insidieuses de notre environnement que subissent nos ânes comme notre propre santé.
Sachez qu’en agriculture, beaucoup de molécules ont été développées après guerre, et c’est maintenant que l’on constate les effets toxiques ou secondaires de ces produits (sur le long terme). Depuis, très peu de nouvelles molécules sont inscrites, car les expérimentations coûtent très cher et sont très longues.
Yves Duclos