Après avoir consacré trois articles à « Peau d’âne » je vais en cette période estivale relater quelques conversations asines à « bâton rompu » (aucune allusion à l’utilisation du bâton sur le dos de nos amis) avec quelques problèmes rencontrés ou questions posées.
A – Clin d’œil à l’œil
Les ânes se protègent plutôt mieux que les chevaux des affections oculaires de par leur protection naturelle et d’une position mois saillante du globe oculaire.
De nombreuses études ont été consacrées aux chevaux sans citer spécialement les ânes. Cependant j’ai pu avoir en ma possession « The Professional Handbook of the Donkey » du Dr Elisabeth D. SVENDSEN, fondatrice du Donkey Sanctuary, dans lequel 20 pages sur 363 sont consacrées à l’œil.
Les ânes peuvent être atteints d’affections oculaires qui, non traitées précocement, peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Le diagnostic pour étiqueter d’une manière formelle l’affection est souvent difficile. Il fait appel à un minimum de matériel que doit contenir la trousse du vétérinaire, ainsi qu’un minimum de produits : collyre anesthésique, myotriatique, solution de rinçage.
L’âne n’apprécie pas naturellement l’examen de l’œil, même sans affection oculaire, avec notamment l’écartement manuel des deux paupières pourtant souvent utile pour examiner la coloration de la partie non colorée du globe et qui est souvent utile à apprécier un état congestif ou une anémie ou un ictère.
Dans le cas d’une affection la douleur est toujours présente et rend l’examen plus difficile.
Sans rentrer dans le détail, on peut parler de corps étranger avec l’examen classique du brin de paille collé sur la cornée ou de blessures provoquées par des traumatismes (branches, épines…) ou enfin d’irritations par les poussières, les insectes… entraînant des conjonctivites.
On rencontre également des kératites (atteintes de la cornée) qui peuvent être consécutives à une irritation, conjonctivite mal soignée mais aussi des kératites provoquées par des infections microbiennes, virales ou fongiques. Mal soignée ou bien soignée tardivement une kératite se complique très souvent avec l’apparition d’ulcère cornéen qui peut déboucher sur une perforation oculaire (iridocèle).
Kératite chronique (Source : the professionnal handbook of the donkey. 4e édition)
Une simple affection traumatique, par corps étranger par exemple, peut rapidement se compliquer car dans l’environnement immédiat de l’âne ou même dans le cul de sac conjonctival on trouve naturellement des germes ou des champignons. Les premiers symptômes sont en général : larmoiements, sensibilité au soleil, douleur suivie d’opacité, congestion puis ulcérations. L’examen peut se faire en premier lieu avec une source lumineuse rasante avec une torche. L’examen doit se faire avec les mains propres, des solutions aqueuses stériles peuvent être utilisées par exemple pour décoller un morceau de paille. Les traitements par des pommades ou collyres doivent faire suite à un diagnostic par un vétérinaire. Une kératite, avec un petit ulcère cornéen superficiel non infecté, doit rentrer dans l’ordre dans les 5 à 6 jours qui suivent le traitement. Si ce n’est pas le cas on peut penser à la présence d’un champignon qui entraîne un traitement plus lourd.
Perforation oculaire à la suite d’un ulcère mycosique. (source : pratique vétérinaire équine. volume 41 n° 162)
L’examen quotidien de l’âne est indispensable et l’œil n’échappe pas à la règle. Si vous vous absentez longtemps prévoyez toujours une personne qui puisse donner un « coup d’œil ».
Si des gestes simples, comme un lavage des yeux, peuvent être préconisés, la propreté et la douceur sont indispensables et comme toujours ne jouez pas à l’apprenti sorcier.
B – Sarcoïde encore et toujours
J’ai revu le 28 août Chloé (Moissac 82) dont j’ai décrit la sarcoïde dans le dernier numéro. Elle accourt rapidement avec son filet de protection, adore se faire prendre en photo et surtout manger la friandise qui va avec. Le sarcoïde continue doucement à diminuer de volume et surtout poursuit son processus de dessèchement qui laisse penser aujourd’hui à une régression définitive.
J’ai été sollicité au mois de juin par la propriétaire d’une jeune ânesse » Pomponette ». Après échange téléphonique et par internet, j’ai pu apporter mon point de vue sur cette sarcoïde située en zone abdominale. La position étant favorable à une ablation chirurgicale large, c’est cette méthode qui a été retenue.
C – Parasites internes
Si on peut recommander des traitements préventifs médicamenteux avec un traitement au printemps et un à l’automne, je suis de plus en plus convaincu que la prévention par médicament peut être abordée d’une manière raisonnée. La prophylaxie sanitaire avec le ramassage des crottins, l’assèchement des zones trop humides, etc. dont on a déjà parlé, l’examen de l’âne : poil terne ou brillant, amaigrissement malgré une alimentation normale, la prise en compte de la climatologie : temps doux et humide ou temps sec, sont des éléments qui peuvent espacer les traitements systématiques qui risquent de conduire vers une accoutumance des parasites aux molécules.
Je voudrais surtout insister sur le grand intérêt d’analyses coprologiques qui donnent un résultat chiffré grâce à la numérotation parasitaire qui va aider à la prise de décision. Malgré la contrainte et les précautions à prendre pour avoir une analyse fiable, la coprologie est une méthode pour compléter les principes de prophylaxie médicamenteuse raisonnée. Un petit sondage de temps en temps vous permettra éventuellement d’espacer les vermifugations sans pour autant passer au côté d’une dictyocaulose (bronchite vermineuse) qui peut être fréquente chez l’âne d’une manière silencieuse.
Asinement vôtre,
Jacques ROSET, vétérinaire