La parution d’un article dans la revue nº148 de « PRATIQUE VÉTERINAIRE ÉQUINE » consacré à l’âne m’a incité à vous décrire une maladie métabolique qui est l’hyperlipémie. Cela correspond peut-être à une question que m’a posée une de nos adhérentes qui était en présence d’une affection hépatique avec son âne. D’autant plus intéressant pour moi, car cet article a été écrit par le Dr Michel CRANE, vétérinaire avec lequel j’avais eu le plaisir de m’entretenir pendant deux jours en Angleterre au Donkey Sanctuary. C’est donc en m’inspirant largement de cette parution que je produis cet article pour l’Âne Bleu.
L’hyperlipémie équine est une affection des équidés caractérisée par une hypertriglycéridémie et une infiltration graisseuse des organes, en particulier du foie et du rein. L’âne est très sensible à cette affection avec un taux de mortalité élevé car c’est une maladie qui progresse très rapidement sans signes très spécifiques au début, donc souvent traitée trop tardivement au moment où la dégénération graisseuse hépatique et rénale est devenue irréversible.
Épidémiologie
Chez l’âne une analyse rétrospective de survie a montré que les femelles ont un risque plus élevé que les mâles de développer cette affection sans que cela soit lié au statut de reproducteur. De plus, les risques sont plus importants chez les animaux obèses, et plus rares chez les jeunes de moins de 18 mois.
L’hyperlipémie est en général la complication d’une maladie comme :
- les maladies gastro-intestinales (coliques, entérocolites dues à un parasitisme important, impaction…)
- les fourbures
- les métrites
La première analyse de l’épidémiologie me fait écrire qu’il est important d’avoir une surveillance accrue de votre âne en cas d’apparition de ces maladies. De même que l’on doit respecter les mesures hygiéniques, que les uns et les autres on vous recommande : comme une nourriture sans excès, un traitement vermifuge régulier ou encore la surveillance de la dentition.
A ce stade de l’article on doit penser que le Dr Michel CRANE est plus particulièrement confronté aux problèmes des ânes qui vivent au Donkey Sanctuary, dans des conditions de vie sédentaire, sans activité forcée, au pâturage l’été et en écurie l’hiver et souvent plus âgés que la moyenne.
Les facteurs de stress comme le transport, un changement environnemental ou changement de l’alimentation peuvent être à l’origine de la maladie.
Pathogénie
Je serais bref sur ce sujet car cela fait appel à des données physiologiques et fait décrire des réactions en chaînes complexes. Je peux donner, bien sûr, des indications scientifiques aux plus avertis qui le souhaiteraient.
Il s’agit d’une augmentation des triglycérides dans le sang. Mobilisés lors de maladie, sous nutrition, la régulation ne se fait plus correctement et provoquent la persistance d’acides gras à un taux élevé, ce qui va entraîner une infiltration graisseuse du foie et des reins.
La production d’insuline par l’organisme est souvent un régulateur mais l’âne est moins sensible que le cheval à l’insuline, d’autant plus s’il est obèse ou âgé.
Signes cliniques
Les signes spécifiques sont souvent masqués par la maladie primaire sousjacente. Sur une ânesse atteinte de métrite, par exemple, on va se consacrer à l’infection utérine sans penser forcément à une hyperlipémie secondaire, mettant sur le dos de l’infection des signes cliniques comme l’anorexie, la léthargie, la dépression qui sont les signes initiaux d’une hyperlipémie.
L’évolution étant très rapide (6 à 10 jours entre le début et la mort), les signes les plus caractéristiques sont : faiblesse, tachycardie et tachypnée, stase intestinale, congestion des muqueuses et haleine fétide correspondent déjà à une période plus aléatoire pour l’efficacité d’un traitement.
Les signes terminaux correspondants à un stade où l’animal est irrécupérable sont : fèces recouverts de mucus sec et fermes, muqueuse rectale sèche, silence abdominal à l’auscultation et enfin signes neurologiques d’encéphalopathie hépatique.
Diagnostic
Le diagnostic de l’hyperlipémie doit être envisagé devant tout âne malade, abattu, anorexique ou cachectique (altération profonde des fonctions de l’organisme à la suite d’une maladie chronique grave).
Compte tenu de la rapidité d’évolution il faut effectuer un prélèvement sangiuin précis. L’examen visuel du plasma permet déjà de comprendre si l’âne est atteint car apparaît une couleur trouble caractéristique, cependant cela ne peut suffire car quelques fois trompeur ; il faut procéder à une analyse biochimique : mesure des triglycérides, de l’hématocrite et des protéines plasmatiques totales et du taux de l’urée et de la créatinine pour les tests les plus importants. Votre vétérinaire complètera la liste s’il le souhaite.
Traitement
C’est un traitement lourd qui doit être mis en place par le praticien. Il est indispensable de traiter d’entrée le rééquilibrage du sang et de restaurer le volume circulatoire en agissant par perfusion intraveineuse ou intubation nasogastrique. Il faut corriger le déséquilibre énergétique en amenant un support nutritionnel par intubation ou nourrissage à la main. Il faut instaurer un traitement symptomatique (anti-inflammatoire non stéroïdien-antiacides, analgésiques … ) et réduire les symptômes de l’encéphalopathie hépatique.
Pronostic
Le pronostic est toujours réservé, il dépend de la rapidité de mise en place d’un traitement complet.
Si l’affection primaire peut être traitée, si l’âne continue à s’alimenter et si les taux de triglycérides, urée… se normalisent, les chances de guérison sont importantes. Si le retour à une fonction hépatique normale est compromis, le foie étant un organe vital le pronostic est sombre.
Foie d’un âne mort d’Hyperlipémie
Prévention
Devant ce tableau clinique et cette lourdeur de traitement la prévention est primordiale.
Les facteurs de risque étant : l’obésité, le stress, la malnutrition, le parasitisme intestinal, les maladies dentaires qui sont à l’origine par une mastication défectueuse d’impactions gastro-intestinales, il est évident qu’il faut éviter d’associer plusieurs facteurs de risques. Il est, de ce fait, déconseillé de soumettre des animaux obèses et âgés au stress du transport ou d’une hospitalisation.
Pour prévenir ces facteurs de risques, le respect des conditions d’hygiène nutritionnelle, dentaire, de prophylaxie médicamenteuse comme la vermifugation décrites pratiquement à chaque parution de l’Âne Bleu doit être la règle.
Propriétaire d’animaux à risque, vous devez consulter immédiatement votre vétérinaire si votre ami aux grandes oreilles présente des signes de faiblesse, d’anorexie, de léthargie, signes précurseurs d’une possible hyperlipémie.
Asinement vôtre
Jacques ROSET, vétérinaire