La mise bas, ânonnage pour nos amies les ânesses, est toujours dans toutes les espèces un instant merveilleux car c’est le moment où l’on peut apprécier cette formidable concrétisation de la transmission de la vie même si le début commence lors de la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde.
La nature est bien faite, dit on, mais les accidents arrivent.
Le but de cet article est de vous décrire d’une part, les conditions idéales dans lesquelles doivent se trouver les mères durant la gestation, surtout dans les derniers jours de celle ci et d’autre part les éventuelles interventions que nous pouvons entreprendre pour surveiller, aider pendant et après la mise bas en fonction des problèmes rencontrés.
1ère partie : PRÉPARATIONS
L’ânonnage appartient avant tout à l’ânesse quant à l’endroit du pré, l’isolement, le moment. Si nous pouvons et devons surveiller, tout l’art est de créer les meilleures conditions de préparation et de surveiller sans être vu, sans impatience, sans curiosité excessive le moment de la mise bas.
a) L’ânesse
L’ânesse, certes, a un besoin alimentaire particulier lors de la gestation, mais elle doit rester dans un état stable quant à sa musculature et son embonpoint. La plupart du temps le besoin sera couvert avec une absorption supplémentaire de bon foin ou d’herbe, accompagné d’adjonction de vitamines, oligo éléments et sels minéraux.
Une ânesse trop grasse aura plus de chances d’avoir des problèmes de contractions , d’essoufflement en cas de mise bas longue et difficile.
Une ânesse trop richement nourrie en matières azotées (luzerne, avoine … ) aura tendance à la congestion utérine et mammaire. Également le risque est réel d’avoir un excès de volume de l’ânon.
b) Le lieu
Le lieu le plus opportun est un pré que la mère connaît, au calme avec des possibilités d’isolement de ses congénères, bien clôturé pour éviter qu’au moment voulu un intrus (gibier, chien … ) vienne la déranger. La majorité des mise bas se font en dehors des périodes hivernales, mais si la naissance doit avoir lieu l’hiver et si les conditions climatiques sont particulièrement rigoureuses, un grand local peut être aménagé; (attention à des locaux trop exigus à l’intérieur desquels les manipulations sont difficiles et les risques de se retrouver coincé entre le bassin de la mère et les murs du local).
c) Le moment
Si le moment ne peut être connu d’une manière absolument précise certains éléments peuvent restreindre l’incertitude. Tout d’abord la durée de la gestation qui varie entre 12 et 13 mois suivant l’âge de l’ânesse au moment de la saillie à condition d’être sûr de la date de ladite saillie. Au delà de l’augmentation du volume de l’abdomen avec une déformation caractéristique de la partie basse c’est l’examen de la mamelle qui apporte le plus de précision. Une mamelle qui gonfle puis durcit et laisse écouler une sérosité (pré colostrum) dénote l’imminence dans les quelques jours qui suivent du moment de la mise bas. A ce moment une visite rapide, sans vouloir être absolument présent pour cet accouchement, doit être organisée trois fois par jour sans oublier un lever matinal (les ânesses mettent souvent bas au petit matin). Sur les quatre naissances que j’ai eu avec les miennes, je suis toujours arrivé trop tard, mais j’ai toujours su en arrivant au pré que le moment était venu car la mère était invisible et absente du troupeau.
Dans les haras les stalles de mise bas sont équipées de caméra. Cela permet de surveiller sans être vu. Nous devons donc régulièrement aller voir ce qui se passe car il peut y avoir une difficulté et nous aurons à intervenir.
2ème partie : LA MISE BAS
Si très souvent, cela se passe bien, il peut y avoir des difficultés dues à des mauvaises présentations où des excès de volume.
– Présentation antérieure
La plupart du temps la présentation de l’ânon se fait par des antérieurs et la tête. Dans ce cas là les deux sabots antérieurs arrivent en premier avec la tête en position supérieure de manière que le museau se trouve environ au niveau des canons, la tête doit toujours être dans l’axe et contre la colonne vertébrale de la mère.
Il peut arriver que par défaut de contractions suffisantes (part languissant) il soit utile de tirer avec les mains sur les antérieurs au dessus du boulet et en appuyant légèrement sur la tête vers le bas.
Cela ne peut être qu’une aide légère. surtout ne pas opérer par des tractions vives et saccadées, ne pas attacher les pattes avec des cordes car s’il y a un excès de volume vous risquez un gros accident.
Le vétérinaire doit être appelé d’urgence si malgré cette aide la mise bas ne se fait pas très rapidement.
S’il ne se présente que les pattes antérieures et qu’en enfonçant légèrement la main vous ne trouvez pas la tête surtout ne pas tirer sur les pattes, car une difficulté fréquente est une position anormale de la tête soit placée sur le côté légèrement incurvée, soit encapuchonnée ou renversée. Dans tous les cas les tractions ne peuvent qu’aggraver la position anormale de la tête.
De même s’il n’y a qu’une seule patte ne pas tirer. Les plus habitués peuvent essayer de déplier la seconde, pour les novices s’abstenir et appeler l’homme de l’art.
Ne rien tenter également si l’ânon se présente en position dite « sur le dos » c’est à dire le ventre vers la colonne vertébrale de la mère.
– Présentation postérieure
C’est l’arrière de l’ânon qui se présente avec les postérieurs allongés de manière à voir deux sabots arriver et pas de tête. Si l’on est sûr de cette présentation on peut aider toujours avec douceur en tirant sur les pattes, les mains sur les canons.
Comment reconnaître les membres antérieurs et les postérieurs ?
Il suffit de se rappeler que les deux premières articulations des antérieurs se plient dans le même sens, c’est le contraire pour les postérieurs.
– Excès de volume
Cela peut être fréquent dans certaines races comme le Baudet du Poitou. Seule l’intervention du vétérinaire est à envisager.
En dehors de l’aspect lié à la race, je ne peux que recommander surtout chez les primipares de choisir un étalon proportionné à la taille de l’ânesse, soit de même corpulence, soit légèrement plus grand (5 cm de plus au garrot maximum).
3ème partie : L’APRÈS MISE BAS
L’ânesse ne ramènera pas son petit avant 2 ou 3 jours dans le troupeau, il vaut mieux respecter ce délai.
Il faut vérifier que le « petit » tête. Cela est vital pour lui d’absorber dès la première heure le colostrum. Si cela n’est pas le cas faites intervenir le vétérinaire qui appréciera la cause, qui est souvent un refus de la mère, soit au manque de lait et mettra en place un protocole de soins.
En cas de refus d’une mère qui, cependant, a une mamelle normale c’est à dire avec du lait et sans congestion excessive engendrant une vive douleur lors de la succion, il faut avec douceur essayer de lui faire accepter son petit. Psychologie, patience sont utiles comme pour franchir un obstacle nouveau. Cette vigilance doit être accrue en période hivernale pendant laquelle le refroidissement du jeune va très vite et devient rapidement irréversible.
Dans les heures qui suivent la mise bas, la mère expulse son placenta, quelque fois très rapidement. Il est utile de vérifier si on le trouve que ce placenta est entier. Pour cela il faut bien l’étaler au sol et vérifier qu’il est entier. Il doit ressembler à un collant humain auquel il ne manque rien.
Éventuellement bien regarder si au niveau de la vulve n’apparaît pas un morceau de placenta. Ce dernier a une couleur approximative lie de vin. Dans tous les cas et pendant une semaine vérifier si aucun écoulement vulvaire trouble et nauséabond n’apparaît. En cas de placenta incomplet ou apparent au passage vulvaire, prévenir le vétérinaire le jour même.
En espérant avoir donné quelques « tuyaux » pour la mise bas et indiqué les principales précautions de l’anté et post-partum utiles. J’espère que vous pourrez avoir une bonne réaction en cas d’incident. Mais surtout ne jouez pas à l’apprenti sorcier.
Asinement vôtre.
Jacques ROSET