Récemment, j’ai été amené à me prononcer sur un litige entre la propriétaire d’un cheval et un maréchal-ferrant. Le cas pourrait se ramener à un âne sans problème, puisqu’il s’agissait d’un litige sur l’étiologie d’une fourbure soi-disant avérée après parage et pose de fer.
La propriétaire dénonçait l’apparition de la fourbure 48h après l’intervention et argumentait que la cause était la pose d’un fer trop petit. Le maréchal-ferrant, suite à la plainte, est immédiatement intervenu en appliquant le protocole de maréchalerie. Le fer incriminé a été retiré, l’examen de chaque clou a été effectué et rien n’a été décelé comme anomalie dans la pose ou le dimensionnement du fer. La question qui m’a donc été posée était la suivante : une pose de fer trop petit peut-elle provoquer une fourbure ?
J’ai consulté les derniers écrits sur les causes de la fourbure, pris contact avec un de mes confrères particulièrement averti sur la pathologie équine et m’appuyant aussi sur ma propre expérience, j’ai soutenu que la pose d’un fer trop étroit, si le cas était prouvé, n’entraînait pas dans les 48h une fourbure. A l’occasion de l’Assemblée Générale de l’ADADA, je m’en suis entretenu avec Yves Duclos qui a approuvé mes dires.
Cette cause là n’a jamais été avancée dans les nombreuses contributions qui m’ont été amenées à lire. En ce qui concerne la pathogénie, nous avons toujours des hypothèses avec deux tendances : la théorie vasculaire et la théorie enzymatique. Dans la théorie vasculaire où une compression intense peut provoquer une ischémie et, par voie de conséquence, une réduction de l’afflux sanguin, l’hypothèse décrite dans le cas précité n’a jamais été avancée.
Je profite de l’occasion pour refaire d’une manière synthétique un point sur la fourbure avec les dernières connaissances concernant l’étiologie. La fourbure résulte d’une congestion aiguë des tissus pariétaux du pied qui entraîne une dissociation des tissus du podophylle et du kéraphylle, c’est à dire une perte de la cohésion indispensable entre la boite cornée du sabot de la phalange distale. A l’examen de la sole, on peut voir l’évidement entre la corne et le podophylle qui débouche rapidement sur l’apparition d’une fourmilière.
Etiologie de la fourbure
Les facteurs déclenchant une fourbure sont nombreux et peuvent se superposer. Mon propos n’est pas de décrire d’une manière trop scientifique toutes les causes mais de vous donner les principales sur lesquelles notre comportement vis-à-vis de notre compagnon aux grandes oreilles doit être exemplaire. Sachons que chaque individu peut être plus ou moins prédisposé mais avec comme constante dans l’apparition de la fourbure par exemple le surpoids, l’âge (+ 13 ans) et éventuellement le sexe (les femelles seraient plus sensibles pour développer une fourbure chronique).
Facteurs alimentaires
Une étude américaine conclut que 54% des affections digestives sont à l’origine de fourbures aiguës. On décrit l’excès d’aliments sous forme de grains ou issus de farines, le blé étant le plus mis en cause, pour les fourbures aiguës avec un véritable phénomène d’intoxication. Bien sûr, c’est l’apparition de la fourbure de printemps qui reste la plus avancée dans les facteurs déclenchants avec la mise dans des pâturages riches en azote. C’est le même phénomène qui est décrit pour des animaux déjà obèses et nourris en hiver avec des fourrages de légumineuses. Des modifications alimentaires trop rapides, comme le passage à une ration riche en hydrate de carbone sont des facteurs prédisposants ou tout simplement une ration excessive par rapport au travail demandé. N’oublions pas que l’abreuvement après un travail long doit être maîtrisé car l’absorption d’une quantité excessive d’eau froide peut être un facteur déclenchant.
Facteurs mécaniques – Surmenage – Inflammation locale
Ce sont des facteurs qui interviennent directement sur la biomécanique du pied des équidés d’autant plus évidente que le sabot est mal paré. L’apparition de la fourbure est plus tardive, plus insidieuse et apparaît alors une fourbure chronique plus difficile à stopper et inverser.
On retrouve en cause un travail pénible et prolongé, en particulier sur un sol dur ou bien une stature debout prolongée. Lors d’affection importante d’un membre, on peut voir ainsi apparaître une fourbure sur le pied opposé sur lequel l’animal se repose exclusivement.
Une inflammation locale provoquée par un corps étranger dans le podophylle, un abcès ou toute affection qui entraîne une importante inflammation peuvent entraîner l’apparition d’une fourbure.
Facteurs infectieux – Mise bas – Avortement
Toute maladie infectieuse avec un foyer septique ou toxique peut se compliquer d’une fourbure. Il faut donc être vigilant face à une mauvaise délivrance ou avortement chez l’ânesse, face à une pneumopathie ou autre rhinite purulente. Une surveillance de la posture de l’âne doit être accrue sur un âne malade qui peut développer une fourbure secondaire.
Autres facteurs
Des facteurs médicamenteux peuvent être à l’origine d’épisode de fourbure pendant leur administration : corticoïdes, phénylbutazone, hormones, vermifuges dans certaines conditions. Enfin, on trouve des origines endocriniennes : chaleurs des femelles, animaux atteints de cushing, stress ou origine virale.
De nombreux documents sur la fourbure ont été édités. Dans l’Âne Bleu, je vous ai souvent entretenu de cette affection. Cet article est l’occasion de vous dire que de simples précautions déjà décrites voire « rabâchées » suffisent très souvent à éviter l’apparition d’une fourbure.
Hygiène alimentaire stricte, pas de complément de grains sans raison. Pas de pain, pas de choc alimentaire. Surveillance du surpoids, entretien régulier des sabots pour avoir des aplombs garantissant la bonne biomécanique du pied et l’utilisation de nos amis aux grandes oreilles d’une manière raisonnée et raisonnable sont des conseils que je ne peux que vous donner une fois de plus.
Asinement vôtre
Jacques ROSET
L’ÂNE BLEU, pour les débutants avec un âne, dit qu’au sujet de la fourbure, certains symptômes peuvent les alerter en observant l’animal : l’air abattu -il a l’air de bouder-, ses oreilles sont chaudes, voire très chaudes, sa température est élevée, parfois jusqu’à 41°C, l’œil injecté de sang, et surtout ses sabots sont chauds et très sensibles.
L’âne boite, et de plus en plus. Il met son pied en extension, pour éviter la douleur. Il se couche fréquemment et se relève très difficilement.
En cas de fourbure chronique, la muraille (paroi cornée) présente des cercles très marqués. Un hématome se forme entre la muraille et la sole.