LE VALGUS CARPIEN
Dans cet article je voudrais attirer votre attention sur la surveillance des aplombs de vos ânes surtout dans leur très jeune âge (0 à 18 mois), période au cours de laquelle la croissance est maximum. Cet été, en effet, j’ai eu a m’intéresser à un cas de déformation très importante des antérieurs d’une ânesse de 17 mois, achetée à 12 mois, qui présentait ce que l’on appelle un valgus carpien. Il s’agit d’un rapprochement excessif des antérieurs au niveau des genoux (ce qui correspond à nos poignets).
La photographie N° 1 montre cet aspect caractéristique en « X » lorsque l’on regarde l’animal de face.
Les bandages servaient uniquement à protéger de toute souillure et, par des compresses de bétadine, à assurer une désinfection avant intervention chirurgicale.
Lors de l’achat, les nouveaux propriétaires n’ont pas su discerner de façon formelle un défaut important qui hélas s’est très rapidement aggravé.
Ce phénomène est dû à une activation du cartilage de croissance (ou de conjugaison) d’une manière dissymétrique. En l’occurrence, dans le valgus, le côté interne du radius grandit beaucoup plus vite du fait de l’activité plus importante du cartilage de croissance sur la face interne. Il ne faut pas confondre cette affection avec un défaut d’aplomb qui se situe au niveau de la dernière phalange et que l’on appelle «pieds pannards». Je profite de l’occasion pour vous présenter un tableau de quatre déformations d’aplomb, qui à part le côté disgracieux, n’ont pas de conséquences aussi graves que dans le cas de Valgus carpien.
Dans le cas d’un Valgus, une telle déformation va entraîner rapidement une usure précoce des cartilages articulaires du carpe, arthrose, boiterie et souffrance aux conséquences dramatiques. Déjà sur le cas décrit, l’animal se couchait souvent laissant présager des difficultés déambulatoires de plus en plus importantes.
Chez les très jeunes, on sait que les aplombs ne sont pas stabilisés, mais tout rentre dans l’ordre au bout d’un à deux mois. Si cette déformation persiste ou apparaît (habituellement avant six mois) une intervention peut rétablir la situation soit par des prothèses podales, soit par une intervention chirurgicale consistant à bloquer l’activité dissymétrique du cartilage de croissance, soit par une combinaison des deux méthodes.
Plus on avance en âge, plus il sera difficile de corriger.
En effet, l’activité du cartilage de croissance diminue pour s’éteindre vers deux ans et l’ossification est quasiment totale.
Devant le cas de cette jeune anesse de dix sept mois nous étions à la limite pour une intervention apportant une réponse suffisamment satisfaisante. En accord avec les propriétaires, conscients de l’irréversibilité du phénomène, des conséquences, des décisions difficiles qu’ils auraient à prendre par la suite, l’intervention chirurgicale fut décidée avec le confrère spécialisé exerçant à l’école vétérinaire de Toulouse.
L’opération consiste à bloquer en face interne la croissance du radius par l’implantation de deux vis de part et d’autre du cartilage avec cerclage.
De ce fait, même si la croissance externe est moindre, elle permettra de corriger en partie l’aplomb. Un complément éventuel, par une compensation artificielle au niveau du sabot, peut être envisagé par la suite.
Repères avant radio pour savoir si l’emplacement est correct.
Les vis sont fixées et le cerclage en cours
C’est donc une histoire triste, mais un accident imprévisible, qui certes est de plus en plus rare, mais fait partie des risques.
Malgré une vie remplie à soigner des animaux, le praticien que j’ai été, reste toujours désemparé et affecté lorsque l’accident se produit et me conforte dans l’idée que malgré les progrès effectués engendrant de merveilleuses réussites, nous nous devons de rester humbles.
Je remercie les propriétaires de cette ânesse de m’avoir autorisé à relater l’intervention et reproduire les photos.
La consolation (si on peut l’appeler ainsi) est d’avoir compris que de toute façon leur amie aux grandes oreilles allait trop rapidement entrer dans une période de boiterie et de souffrance et que la décision éventuelle d’euthanasie aurait été une épreuve douloureuse.
En dehors de cela, cette intervention apporte régulièrement des résultats positifs si elle est mise en place très tôt et si d’autres solutions ne donnent pas de résultats.
Je vous invite donc à être vigilants sur les aplombs des jeunes nés chez vous et de ne pas hésiter à consulter un confrère ou un maréchal ferrant pour vous aider à mieux visualiser les aplombs et détecter d’éventuels défauts.
Lors de l’achat de jeunes, là aussi, l’examen attentif des membres est primordial. Le vendeur peut être de bonne foi et ne pas connaître lui même le problème comme il peut taire l’anomalie constatée. Cette recommandation est bien sûr valable pour tout achat d’âne quel que soit son âge, mais chez les jeunes nous avons plus facilement la possibilité de mettre en place un traitement chirurgical ou orthopédique et avoir plus de chance de réussite.
Asinement votre
Jacques ROSET