Même si le but de l’A.D.A.D.A. n’est pas de recommander l’élevage des ânes en tant que tel et comme seule motivation, il m’a paru intéressant dans cet article de vous donner quelques informations sur leur reproduction.
Si au cours de mon article sur la castration des mâles j’ai pris position pour une attitude raisonnable quant à la maîtrise de la reproduction chez nos amis de compagnie, il est naturel que certains de nos adhérents propriétaires d’ânes aient envie d’avoir une fois un petit ânon issu de leur ânesse.
Dans certains pays en voie de développement où les ânes sont encore utilisés comme des animaux de trait à cause de leur résistance et de leur capacité d’adaptation en milieu inhospitalier ou bien en France pour la conservation ou création de races, il est indispensable de maîtriser la reproduction.
Dans une étude décrite dans un numéro de Pratique Vétérinaire Equine (M. Henry – École Vétérinaire de Minas Gérais Belo Horizonte Brésil), il est relaté le comportement sexuel observé en monte libre essentiellement d’un troupeau d’ânes : 2 baudets et 21 ânesses.
I – Rituels d’accouplement
a – Phase précopulatoire et comportements additionnels
En ce qui concerne le mâle, il manifeste en présence d’une ânesse en chaleur un comportement d’interaction intense mais de courte durée : braiment, olfaction et chevauchement sans érection sans procéder immédiatement à la copulation. Puis une période de désintéressement apparent s’instaure, mais le mâle reste toutefois attentif et le manifeste par des extériorisations partielles ou totales du pénis sans érection. Cette phase d’isolement semble nécessaire pour atteindre l’érection et aboutir à la copulation. Chez l’âne par rapport au cheval qui garde un groupe de juments, le mâle est territorial et saillit les ânesses qui s’approchent de lui ou croisent son territoire.
Parfois de séquences de stimulation sexuelle intenses et prolongée sans chevauchement, voire de véritables « persécutions » prolongées jusqu’à épuisement de certaines ânesses, ont été constatées.
Pendant cette période ou entre les saillies, les mâles se grattent, se roulent, sentent les crottins, défèquent ou urinent dessus, et se masturbent.
Chez la femelle les signes constants des chaleurs sont par ordre de fréquence des manifestations : des mâchonnements avec les oreilles couchées et plaquées sur l’encolure, la queue relevée, l’acceptation du chevauchement par le mâle ou plus rarement d’autres femelles et la miction après une période d’excitation. Certaines ânesses rejettent le chevauchement pendant les premiers jours des chaleurs par des ruades et s’éloignent du mâle. Un appariement « affectif » entre deux ânesses est parfois observé.
b – Comportement copulatoire
La saillie est caractérisée par une moyenne de quatre à cinq mouvements de friction du pénis dans le vagin jusqu’à l’éjaculation. En monte libre la durée de l’intervalle entre les saillies successives est de 90 minutes en moyenne. L’expérience a montré que les mâles ont une libido très développée et peuvent assurer de deux à onze saillies par jour. Les interactions imposées par l’homme seraient à l’origine de certains troubles comportementaux.
Après la saillie la femelle urine et reste la queue soulevée un certain temps.
II – Physiologie de la reproduction des ânesses
Le cycle œstral de l’ânesse dure en moyenne 26 jours et est divisé en deux phases :
- Le diœstrus est la période définie entre deux chaleurs ovulatoires pendant laquelle l’ânesse n’est pas réceptive au mâle.
- L’œstrus est la période de réceptivité qui atteint son paroxysme avec l’ovulation.
La durée moyenne du diœstrus ou repos sexuel est de 18 jours en moyenne, celle de l’œstrus de 8 jours. La majorité des ovulations survient dans cette période proche de la fin des chaleurs en particulier le dernier jour (51%). Dans quelques cas, les ovulations peuvent se reproduire quatre jours avant, et jusqu’à trois jours après la fin des chaleurs.
Ainsi les saillies d’ânesses sont plus fertiles au moment le plus proche de l’ovulation, c’est-à-dire pendant le tiers final de l’œstrus.
Un effet saisonnier a été observé sur les caractéristiques de la reproduction des ânesses. L’intervalle inter-ovulation est plus court en été. Une saison anovulatoire peut être observée chez une faible proportion d’ânesses et pour une courte période (hiver en principe), mais il faut partir du principe que la majorité des ânesses maintiennent une activité ovarienne pendant toute l’année.
Certains facteurs comme la longueur des jours, l’alimentation et la température pourraient intervenir sur la durée de la saison ovulatoire des ânesses.
Sur le plan hormonal, pour rester schématique, il faut retenir que deux hormones interviennent : la progestérone et les œstrogènes.
- La progestérone est l’hormone présente pendant la période de diœstrus.
- Les œstrogènes sont présents pendant l’œstrus.
Leurs taux de concentration varient inversement de l’une et l’autre en fonction de l’évolution du cycle.
Quelques particularités du cycleœstral ont pu être observées comme :
- l’ovulation multiple avec plusieurs follicules ovariens a pu être constatée en particulier par échographie qui est un moyen plus précis que la palpation trans-rectale. La gestation gémellaire dans l’espèce équine est une des causes principales de perte embryonnaire précoce et d’avortement, chez les ânesses les troubles de la fertilité liées à la gémellité sont vraisemblablement proches de ceux observés chez la jument.
- on peut avoir également des chaleurs ovulatoires intermittentes caractérisées par des périodes de réceptivité sexuelle normale entrecoupées d’une période courte de refus du mâle.
- de même ont été décrites des chaleurs silencieuses au cours desquelles si l’utérus et les ovaires sont physiologiquement en état d’œstrus, il n’y a aucune manifestation comportementale.
Pour une étude plus poussée il est intéressant de savoir, notamment par une analyse hormonale, si ces chaleurs silencieuses sont dues à une déficience en une hormone donnée ou bien à une origine psychique.
III – Caractéristiques spermatiques des étalons
Les variations annuelles possibles sur le sperme de l’étalon tirées des observations des analyses de certains paramètres (mobilité spermatique, concentration, volume du gel…) permettent de considérer que la reproduction des ânes n’est pas saisonnière et si certaines fluctuations des différents paramètres apparaissent, elles sont dues à d’autres facteurs que la saison.
Si j’ai souhaité vouloir apporter ces notions sur la reproduction de nos amis aux grandes oreilles je ne peux que vous inciter de ne pas trop vous en « mêler ». En principe ils savent faire, et si éventuellement l’infertilité ne vous permet pas d’avoir le résultat attendu, votre vétérinaire devra être sollicité car l’équilibre hormonal, dans son diagnostic et son obtention, est difficile à maîtriser et doit être confié au professionnel.
Asinement vôtre
Jacques ROSET, vétérinaire