Fourmilières et défauts d’aplomb.
Pour en revenir à des informations terre à terre, c’est-à-dire au niveau des pieds, à la sortie de l’hiver, après un contact prolongé avec la terre humide, voire la boue, les pieds, à la base, sont très abîmés.
La moindre fissure, les anciennes fourbures, les petits graviers fichés dans la ligne blanche, sont un foyer privilégié pour les bactéries et les champignons et, la cavité développée qui ne se voit pas au premier abord, remonte sous la muraille jusqu’au bourrelet périoplique. Cela s’appelle en maréchalerie une fourmilière.
C’est le maréchal en taillant l’avalure qui aperçoit au niveau de la ligne blanche, une consistance grisâtre, farineuse, tendre qui se délite facilement jusqu’à découvrir une cavité qui remonte très haut. Il faut procéder à une avulsion de la muraille avec la pince à parer (c’est plus rapide que la râpe) et ouvrir pour faire apparaître la phalange recouverte du podophile mort ; ce n’est pas douloureux, ça ne saigne pas mais c’est impressionnant. Quelques fois la presque totalité de la muraille est enlevée et le pied ne repose que sur la phalange avec la sole et la fourchette. Brosser avec une brosse métallique pour enlever la matière nécrosée et mouiller ; ensuite saupoudrer avec du sulfate de cuivre qui fond sur la surface mouillée et c’est fini.
La nature régénère une nouvelle muraille à partir du bourrelet.
Chez l’âne, contrairement au cheval, il n’y a qu’un seul type de corne. Le cheval présente une corne intérieure tendre et claire générée par le podophile et une corne extérieure pigmentée, dense, qui provient du bourrelet et le tout protégé par le périople : vernis dur et luisant commun aussi à l’âne. Le clou de maréchalerie présente à son extrémité un biseau appelé grain d’orge qui sert à diriger la sortie du clou pour former le rivet.
L’âne ne possède qu’une muraille tendre , homogène et épaisse. Les clous de maréchalerie ont du mal à sortir, le grain d’orge est inefficace, il faut tirer droit ou donner une courbure à la pointe du clou pour contrôler la sortie.
Beaucoup de nos ânes, sont des ânes immigrés des pays chauds et secs qui ont des pieds qui passent mal la saison humide. Pour préserver leurs pieds, autant que possible, leur offrir un sol drainant sans gravier, champs en pente, abris larges et secs.
Les défauts d’aplomb résultant des nombreux problèmes de pieds et malformation congénitale obligent une réflexion de la part du maréchal pour redresser et rétablir l’alignement phalangien. Dans le cas de déformations hautes il faut anticiper la correction et revenir à la normalité quand il semble que la correction haute est suffisante ; il s’agit de restaurer une autonomie, car la déformation volontaire d’aplomb à la base ne doit pas trop se prolonger, au risque d’endommager l’articulation.
Une déformation articulaire, suros, forme cartilagineuse est handicapant ; mais une correction d’aplomb sera douloureuse car elle provoquera une inflammation qui est le siège d’une réorganisation des tissus, le processus est long, mais c’est préférable à une immobilité définitive. Je pense à un cheval d’obstacle à la retraite avec un suros énorme au genou qui posait le pied en varus. Avec le temps, l’aplomb a été restauré et le cheval marche à peu près normalement avec toujours son suros impressionnant et progresse en flexion lors du parage. Les interventions de ce type doivent être menées avec le suivi d’un vétérinaire, car sans mettre en doute les compétences du maréchal, la pertinence du traitement soit être juste car il ne s’agit pas d’accroître la souffrance de l’animal.
Les aspects panard et cagneux sont plus une affaire d’esthétique, car cela ne gène pas trop la démarche. Les jeunes ont souvent les postures qui laisseraient penser qu’ils vont garder des aplombs détestables et avec la croissance cela s’estompe. Des parages correctifs sont toujours possibles.
Panard = ouvert : laisser une hauteur importante en mamelle interne et baisser en talon externe, la bascule du pied provoque une rotation de la colonne osseuse jusqu’à l’axe normal.
Cagneux = fermé : inverse du précédent, mamelle externe haute et talon interne bas.
Plaidoyer pour un beau pied.
La corne est une structure filamenteuse en kératine creuse comme des bambous.
Elle résiste bien au sec, mais se ramollit et perd sa résistance avec l’humidité ou l’excès de graisse. Les protéines sont facilement dégradées avec l’humidité par les bactéries et les champignons comme le cuir : il pourrit.
Le pied court permet de faire supporter les contraintes de poids et d’usure de l’ordre de 40% sur la muraille et le reste sur la sole et la fourchette ; ce qui maintient un pied intègre et fonctionnel.
Si le pied est trop long, la muraille dépasse la sole et elle offre un porte à faux important et casse, la sole non sollicitée devient sensible car trop fine (sensible après parage) en plus de tout les problèmes de déséquilibre, le centre de gravité se trouve en avant et provoque une rupture complète de la suspension par la colonne osseuse des trois phalanges. La troisième phalange s’appuie normalement sur le coussinet digital protégé par la fourchette avec une possibilité de flexion par rotation des surfaces cartilagineuses qui dissipent les contraintes verticales en mouvement horizontal retenu très ponctuellement par le système tendineux et ligamentaire.
En cas de pied long, le déséquilibre fait supporter les contraintes en permanence sur les tendons et les surfaces cartilagineuses sont à leurs extrémités : à la longue, tendinites et arthroses sont la résultante de cette négligence.
D’où la nouvelle tendance d’utiliser les chevaux pieds nus ; car les fers font supporter tout le poids sur la muraille à 99% et en cas de pieds longs le cheval ou l’âne finit par boiter.
À l’état naturel, l’âne a toujours le pied court par l’usure quotidienne et le modèle étable par la nature fonctionne à l’optimum.
Le fer est un mal nécessaire pour protéger d’un excès d’usure, mais en cas d’utilisation normale, le pied doit s’user, c’est un ongulé, car le pied pousse. Une ferrure dans ce cas là est une insulte à la nature qui a conçu cette merveille.
Quatre bouts de ferraille finissent par transformer un compagnon de travail ou un complice pour le loisir et le sport en un saucisson sur pied pour le maquignon.