La lecture d’une revue professionnelle m’a fait prendre conscience que si on communique souvent sur les « coliques des équins », il est beaucoup plus rare de trouver des articles sur les diarrhées.
Le terme de colique est utilisé en médecine pour exprimer un phénomène douloureux entraînant chez nos ânes, même si les réactions sont moins violentes que chez le cheval, des comportements particuliers sans pour autant voir apparaître de la diarrhée. Certes les articles parcourus traitent uniquement du cheval mais je ne pense pas prendre trop de risques en extrapolant aux ânes, même si chez nos amis asins la physiologie digestive est un peu différente notamment en ce qui concerne le niveau d’absorption intestinale avec, en particulier, l’utilisation du colon.
Les diarrhées dites « aiguës »
D’apparition brutale et de courte durée, elles sont en principe, plus faciles à diagnostiquer que les diarrhées chroniques. La diarrhée aiguë est la transformation rapide des matières fécales en liquide lors de maladies infectieuses suraiguës, d’absorption de toxiques provoquant également des coliques ou à la suite de phénomènes mécaniques provoqués par une trop grande absorption d’eau suite à un assoiffement trop long. Un traitement doit être rapidement mis en place avec en particulier, lors de diarrhée importante, l’injection par perfusion veineuse de solutés veillant à compenser les pertes d’électrolytes et éviter la déshydratation. Un traitement de l’intestin lui-même doit être instauré pour réduire l’absorption des toxines (charbon activé) pour protéger la muqueuse intestinale et favoriser sa cicatrisation. Dans certains cas, l’utilisation d’anti-inflammatoires peut être prescrite par votre vétérinaire, de même l’emploi d’antibiotiques qui doit être essentiellement limité aux jeunes ou aux adultes immuno-déprimés.
Enfin, on peut rappeler que dans certains cas de maladies dues à des infections bactériennes graves (Salmonelle- Eischerishia Coli) les diarrhées sont souvent sanguinolentes, voire hémorragiques et l’utilisation d’anti-hémorragiques peut être recommandée.
Ces traitements essentiellement symptomatiques sont là pour écarter, certes, la durée de la diarrhée mais aussi éviter les conséquences d’une déshydratation importante sur l’organisme, les effets néfastes d’une toxémie et restaurer au plus tôt la muqueuse intestinale.
Les diarrhées chroniques
Elles se caractérisent par l’apparition de déjections faites de crottins ramollis ou liquides. On parle de diarrhée chronique lorsqu’elle persiste plus d’un mois. En dehors de l’aspect des déjections, la diarrhée chronique s’accompagne à la longue d’un amaigrissement marqué, d’une certaine apathie, l’animal présentant un poil plus terne. Ces diarrhées chroniques sont souvent un véritable défi pour le praticien quant à leurs causes et une démarche très pragmatique doit être mise en place.
On a l’habitude de différencier les diarrhées chroniques d’origine inflammatoire et celles d’origine non inflammatoire.
- Parmi les diarrhées inflammatoires on peut citer les diarrhées infectieuses comme les salmonelloses chroniques ou plus couramment les infections parasitaires dont on a souvent parlé. Les strongles ou larves de cyathostomes sont à l’origine de diarrhées chroniques par atteinte de la muqueuse intestinale modifiant l’absorption, les sécrétions et la motilité. Des stades larvaires lors de migrations sont aussi la cause de diarrhée chronique. Les larves peuvent s’enkyster dans la paroi intestinale, et à l’occasion de stress ou naturellement au printemps lors de leur libération provoquer une inflammation, des ulcérations et par conséquence des diarrhées aiguës. En ce qui concerne les causes inflammatoires non infectieuses, je ne ferais que citer les maladies dites infiltrantes caractérisées par une infiltration anormale de la muqueuse par des cellules inflammatoires, les néoplasies, les entérocolites secondaires à un traitement avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). On peut citer les entéropathies secondaires à l’ingestion de sable ou « sabloses »que l’on peut diagnostiquer en mettant des crottins dans une poche plastique ; en rajoutant de l’eau on s’aperçoit que des éléments sableux sédimentent avec une sensation granuleuse palpable, le mieux étant d’utiliser des gants de fouille. Par la même occasion il faut penser à l’absorption de terre sableuse lors de disette, lorsque les animaux laissés sans surveillance et sans aliment apporté peuvent aller chercher leur nourriture trop rase sur le sol.
- Les causes non inflammatoires sont plutôt dues à des fermentations anormales d’aliments. Les causes extra digestives sont les maladies hépatiques, cardiaques ou rénales.
Chez les jeunes les diarrhées chroniques vont s’installer lorsqu’une diarrhée aiguë aura été mal soignée, qu’elle soit virale ou bactérienne. L’intolérance au lactose ou des ulcérations gastriques sont citées chez les poulains comme causes de diarrhées chroniques.
Les traitements sont à la fois symptomatiques et étiologiques et doivent être confiés à votre vétérinaire. D’une manière générale l’hygiène alimentaire doit être rigoureuse dans ces périodes avec mise à disposition, par exemple, de foins souples et d’eau propre. Si aucun fourrage ne permet de résoudre le problème on peut faire appel à des aliments complets sous forme de granulés avec au moins 25 à 30% de fibres, 12 à 14% de protéines qui par digestibilité diminuent la charge alimentaire au niveau du colon.
Chez les jeunes ne tolérant plus le lactose un sevrage précoce est à mettre en place.
Chez les vieux ânes enfin, ne pas oublier d’examiner la dentition, car la mauvaise mastication peut être à l’origine de diarrhées chroniques. Cela me donne l’occasion de vous rappeler l’utilité d’un examen dentaire par un dentiste équin ou un vétérinaire équipé pour cela, dès un âge que l’on pourrait fixer à partir de quinze ans.
En soulignant encore une fois la complexité du diagnostic des diarrhées, je ne peux que vous rappeler que là aussi il ne faut pas jouer à l’apprenti sorcier.
Asinement vôtre.
Jacques ROSET, vétérinaire
extrait du numéro 80 de l’Âne Bleu