Nous vieillissons… nos ânes aussi, et alors ?
Avec le fait que l’âne devient de plus en plus un animal de compagnie, on trouve, avec ce nouvel objectif, des propriétaires qui, de plus en plus attachés à leur compagnon, le gardent le plus longtemps possible. C’est dans cet objectif que se trouve depuis toujours l’ADADA. De ce fait nous rencontrons de plus en plus d’ânes âgés qui vont finir leur vie tranquillement dans un pré. C’est au Donkey Sanctuary que se trouve le plus grand rassemblement de vieux ânes et c’est là en quelque sorte que la gériatrie asine a été vraiment mise en place.
Notre compagnon va vivre en moyenne 35 ans et on peut parler d’âne âgé à partir de 20 ans et d’âne très âgé à partir de 30 ans.
Les signes du vieillissement qui ont été décrits lors d’observations chiffrées sont divers. En premier, c’est l’apparition de poils blancs, en particulier au niveau de la tête qui est le premier élément visible avec, par ordre d’importance, l’arrivée de boiteries ou de raideurs, d’ensellement du dos, de fonte musculaire, de creusement des salières (creux au-dessus des orbites). Moins visibles sont les problèmes dentaires ou problèmes digestifs. Tout cela est accompagné de fatigabilité et de calme pour les plus nerveux. Ces premiers constats ne nous étonnent pas, ils correspondent à notre vie de senior à laquelle nous nous adaptons, et nous devons adapter notre comportement vis-à-vis de nos ânes au fur et à mesure de leur avancée dans l’âge. Nous ne pouvons rien contre l’apparition de poils blancs ou de changement de morphologie. En ce qui concerne l’amaigrissement il vaut mieux parler d’amyotrophie ou fonte musculaire. Le véritable amaigrissement est surtout lié au grand âge – c’est aussi avec l’âge que peuvent apparaître des masses de graisse (croupe – encolure) ; véritable mauvais embonpoint. Comme pour nous l’entretien physique est bénéfique à condition de « ralentir le pas », de laisser le temps à la récupération et ainsi maintenir une masse musculaire intéressante.
L’âne âgé est plus calme et donc, en adaptant nos demandes à l’effort, un compagnon plus facile et donc encore plus attachant. Ce maintien de l’exercice est bénéfique également pour minimiser les raideurs, l’arthrose et les boiteries. Parmi les affections liées à l’âge, on trouve la fragilité des sabots avec l’apparition de seimes (fissures) et de pourriture de la fourchette. Je ne peux donc que vous recommander d’être encore plus vigilants sur l’entretien des pieds. Parmi les affections décrites, la toux apparaît dans 20% des ânes âgés. La toux chronique peut se minimiser avec une vie aérée, donc qui évite le confinement sans pour autant maintenir l’animal dans le courant d’air.
Je voudrais après ces quelques informations générales, insister sur les dents, le système digestif et les articulations.
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Les dents
Lorsqu’un âne maigrit anormalement, la première réaction est d’aller examiner sa dentition. En effet les troubles dentaires liés à l’âge sont très fréquents et altèrent la fonction essentielle de la mastication. Les dents poussent en continu et en vieillissant se fragilisent ou poussent d’une façon exagérée et anarchique. On rencontre alors des fractures ou l’apparition de surdents. Ces affections entraînent un mauvais broyage des aliments et par voie de conséquence une mauvaise assimilation alimentaire visible à l’examen des crottins. Également des blessures de la muqueuse buccale, en particulier au niveau des joues, peuvent apparaître et devenir invalidantes. Il est donc nécessaire à partir de l’âge de 15 ans de faire examiner la bouche de votre âne par votre vétérinaire ou votre dentiste équin. Il est difficile soi-même d’apprécier l’état de la dentition car cela demande un minimum d’équipement. D’une manière générale les équidés n’aiment pas cet examen car l’anatomie de leur mâchoire ne permet pas une grande ouverture buccale.
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Le système digestif
Avec l’âge on estime que l’assimilation digestive diminue environ de 20% et ce à partir de 20 à 25 ans. Cette diminution est due à la dégradation des villosités de la muqueuse intestinale et au fonctionnement hépatique diminué. La ration de l’âne âgé doit donc s’adapter à ce phénomène. Si la ration de base reste l’herbe et le foin, il sera préférable de prévoir du foin moins grossier avec des fibres moins ligneuses. S’il est indispensable d’apporter de la cellulose (foin, bonne paille), des compléments de céréales (orge) aplaties ou floconnées ainsi que des mashes sont intéressantes en cas d’amaigrissement. Les mashes sont des mélanges de céréales bouillies, de foin haché, paille hachée, sel, vitamines dans lesquelles on peut ajouter du sucre pour les rendre plus appétentes. Enfin l’industrie agroalimentaire a nettement progressé pour offrir des granulés adaptés aux vieux équidés. Si votre âne ne maigrit pas il est inutile d’utiliser ces compléments alimentaires qui peuvent avoir l’effet inverse en favorisant un néfaste accroissement adipeux.
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Les articulations : L’arthrose
L’arthrose consiste à une détérioration des cartilages par un processus dégénératif. Ceci entraîne douleur et ankylose. Si l’âne apparaît plus résistant que le cheval, il sera inévitablement atteint par ce phénomène au-delà de 30 ans. Pour que l’arthrose soit d’apparition la plus tardive possible, il est nécessaire que tout au long de sa vie l’âne ait conservé d’excellents aplombs. C’est surtout l’état des pieds et des sabots qu’il faut surveiller. Je ne peux que vous renvoyer aux nombreux articles, en particulier ceux d’Yves DUCLOS, écrits dans « l’Âne Bleu ».
La vigilance de toute une vie d’âne doit être maintenue avec l’âge.
D’une manière générale la majorité des maladies chroniques s’aggravent avec la vieillesse. C’est le cas de la toux, l’emphysème pulmonaire, les affections métaboliques.
Le système immunitaire se détériore vis-à-vis des bactéries, des virus et également des parasites : d’où là aussi une vigilance accrue quant aux vaccinations, aux dépistages parasitaires.
Enfin le comportement de l’âne se modifie à cause d’une diminution de certains sens (odorat, goût) ainsi qu’une diminution de secrétions hormonales.
Si nous suivons ces simples prescriptions, n’ayons pas peur de voir vieillir notre âne qui restera un compagnon formidable, peut-être d’ailleurs plus adapté à l’âge de son propriétaire. La bonne hygiène et le bon sens restent la meilleure prophylaxie pour que nos ânes deviennent vieux et longtemps heureux.
Asinement vôtre,
Jacques ROSET, vétérinaire